Mesdames, Messieurs,
Je remercie les organisateurs de me faire
confiance pour m’adresser à vous, et je vous remercie vous pour l’attention que
vous me prêterez.
Comme le temps dont je dispose est compté, la
meilleure chose à faire est de présenter de façon télégraphique et quelque peu
hyperbolique quelques questions – seulement quelques unes – que je
crois centrales pour la vie de l’Eglise en Espagne, et sûrement en bien
d’autres pays aussi. Je pense que ces questions pourront vous aider dans votre
réflexion pour relever les défis qui se présentent à nous aujourd’hui, comme
croyants et comme responsables de la pastorale dans nos paroisses. Je ne dis
pas que ce soient les plus importantes, mais que, dans la situation, elles
paraissent les plus stimulantes pour la réflexion, même si sans doute je ne
vous dirai rien que vous n’ayez déjà entendu ou pensé. J’espère ainsi répondre à
ce qui m’a été demandé.
Veuillez excuser si je suis dur en quelques
affirmations jusqu’à paraître défaitiste. La brièveté à laquelle je suis
contrait m’oblige à brosser à gros traits le tableau, l’auditeur perspicace
saura restituer les justes proportions. Pour cela, il faut supposer que tout ce
que je dis, je le dis avec espérance, car j’ai confiance dans l’action de
l’Esprit. De plus, nous pouvons constater dans la vie de l’Eglise des signes
d’amélioration, des bourgeons de l’action du Seigneur pour la rénovation de son
Eglise. C’est précisément pour cela, par fidélité à ce Seigneur, que nous
devons joindre à son action notre réflexion, aussi limitée soit-elle. Comprenez
que mon intention consiste à souligner quelques unes des pistes par lesquelles
je vois l’élan de l’Esprit nous guider et souhaiter nous conduire à partir du
contexte propre à la chrétienté vers ce que l’on appelle nouvelle
évangélisation par opposition aux manières du passé. Il s’agit de la même
évangélisation car il n’y a qu’une évangélisation ; l’évangélisation
continuelle doit être nouvelle en notre temps ; mais pour être toujours
identique, elle ne peut pas procéder toujours de la même manière.
Dans mon exposé, j’entends par évangélisation
non un aspect de l’action de l’Eglise, mais toute son action car comme le
disait Evangelii nuntiandi,
« l’évangélisation est une démarche complexe, aux éléments variés :
renouveau de l’humanité, témoignage, annonce explicite, adhésion du cœur,
entrée dans la communauté, accueil des signes, initiative d’apostolat. »
(§ 24) Cette variété des éléments se décline en divers moments, comme le dit Catechesi tradendae : « L’évangélisation
comporte des moments, essentiels et différents entre eux, qu'il faut savoir
embrasser du regard, dans l'unité d'un seul mouvement. » (§18)
La commission épiscopale de l’enseignement et de la catéchèse de la
Conférence des évêques espagnols, dans son document La catéchèse des adultes, distingue trois étapes dans
l’évangélisation, qu’elle définit ainsi :
- L’action missionnaire, qui
s’adresse aux nos croyants ou aux personnes loin de la foi, s’efforce de
susciter en eux la foi et la conversion initiales.
-
L’action catéchétique, en
direction de ceux qui ont choisi l’évangile, veut les conduire à une confession
de foi adulte.
-
L’action pastorale, pour les
fidèles de la communauté chrétienne déjà initiés dans la foi, tente de les
faire grandir continument en toutes les dimensions de la foi.
Après ces présupposés, passons à l’examen
rapide de quelques questions.
1. Confusion ou distinction ?
Les lignes du document en question posent une
première question. L’action évangélisatrice dans nos paroisses et diocèses
n’est généralement pas organisée autour de ces trois moments de l’action
évangélisatrice. Je ne veux pas dire que ne sont pas prises en compte ses
questions, que d’une certaine manière, elles sont absentes de nos
préoccupations. Ceci étant, bien qu’il faille les prendre en considération,
cependant, à l’heure de la vérité, nous nous
trouvons souvent dans une confusion où ces trois étapes se mélangent dans
l’activité évangélisatrice. Fruit de l’habitude de la longue période de
chrétienté, nous ne plaçons pas la foi au centre du discernement missionnaire.
Je ne veux pas dire que n’importerait pas que ce qui est dit soit orthodoxe ou
non ; c’est certainement une vraie préoccupation, mais il me semble que,
grâce à Dieu, elle a été remise à sa place ces dernières années, sans qu’elle
ait pour autant disparue. Ce que je veux dire maintenant, c’est que n’est pas
assez prise en compte la foi du destinataire. Et ainsi nous nous contentons de
proposer la même chose à tous. Le discernement quant à la situation de chacun
pour lui offrir ce dont il a besoin est généralement quelque chose de marginal.
En général, c’est une évidence que tous sont chrétiens ou, au moins, se
comportent comme s’ils l’étaient.
Je crois que nous tenons ici un défi
important. Notre action évangélisatrice doit être pensée, organisée et mise en
œuvre en prenant en considération ces trois étapes. Cela suppose que l’on
apprenne à regarder qui est devant nous, savoir d’où il vient, pour pouvoir lui
adresser une parole adaptée et lui offrir ce dont il a besoin : dans
certains cas, la porte ouverte de l’Eglise ; pour celui qui se serait
converti, une chemin d’initiation ; pour d’autres une communauté où vivre
pleinement la foi avec des frères.
Mais, de même que le destinataire de l’action
évangélisatrice doit être identifié, l’agent de cette action doit être un
croyant qui vit déjà sa foi de façon adulte, ce qui suppose qu’il ne soit pas
un franc-tireur, car la référence à la communauté, d’une manière ou d’une
autre, doit être permanente.
Tout croyant est acteur de l’action
missionnaire ; un véritable croyant doit être un témoin du Seigneur
ressuscité au milieu du monde qui est le sien. L’initiation chrétienne amène à
être témoin au cœur du monde. Il ne suffit pas d’être de bonne volonté car le
catéchiste doit conduire les catéchumènes à la maturité de la foi.
L’annonce de l’évangile fait de son acteur le
témoin qu’il est, avec les autres témoins, dans l’Eglise. Dans l’étape
catéchétique, sans aucun doute, les catéchistes ont un rôle particulier, mais,
dans leur initiation à la vie de foi, les catéchumènes doivent être accompagnés
par toute la communauté à laquelle ils finissent par être pleinement
incorporés. Bien sûr, on veillera à la présence de celui qui est le pasteur de
cette communauté. La communauté des croyants doit être une référence non
seulement dans l’action missionnaire, mais aussi pour ceux qui se sont
convertis et avancent sur le chemin de l’initiation chrétienne.
Sans doute, une des questions à partir de
laquelle se laisse deviner plus clairement par où l’élan de l’Esprit souhaite
nous conduire, c’est le désir croissant de vie communautaire que nous pouvons
constater ; la vie ne foi n’est pas une vie individuelle. La foi a besoin
de la vie communautaire, de la communauté des disciples dans laquelle s’incarne
l’amour des uns pour les autres. Bien sûr, avec les communautés dans l’Eglise
il ne s’agit pas du simple exercice du droit des associations, mais de la suite
du Christ dans l’Eglise qu’il a fondée et hiérarchiquement constituée. Dans
l’étape pastorale, à la différence des précédentes, tous les croyants son
serviteurs et bénéficiaires du service ; bien que tous doivent s’aimer
mutuellement, chacun doit remplir une mission et un service et, entre tous, les
ministres ordonnés.
2. Propagande ou annonce de l’évangile ?
Parfois, une évangélisation de masse que l’on
peut identifier avec une époque de chrétienté, s’oppose à une autre, pour des
petits groupes, qui évidemment serait le propre de l’évangile et devrait être
celle que nous devrions rechercher. Mais il me semble que cette opposition est
trompeuse. Les petits groupes ne sont pas le propre de l’évangile mais les
personnes, chacune d’entre elles. Par conséquent, le défi qui nous est lancé
réside dans une évangélisation personnelle qui vient en contrepoint à une
pseudo-évangélisation des masses ou, pour le dire mieux, de l’homme-masse, de
l’homme dépersonnalisé.
Cela se voit spécialement lors de la première
annonce de l’évangile, qu’il s’agisse de l’annonce du Seigneur tant aux non
baptisés qu’aux chrétiens éloignés de la foi. La propagande à laquelle nous
sommes très habitués dans notre société, s’adresse à l’homme sans nom,
impersonnel, c’est-à-dire à n’importe qui, sans qu’importe son histoire. Par
contre, dans l’évangile, on voit comment Jésus, bien qu’il ne soit pas
élitiste, s’adresse par leur nom à des personnes concrètes ; les
personnages de l’évangile ne sont en aucun cas des stéréotypes, ils sont
vivants, d’une façon peu commune dans la littérature de cette époque. Qu’un
témoin qui a rencontré Jésus annonce à un autre son pouvoir salvifique, voilà
la force de l’authenticité de la proclamation du kérygme. C’est une erreur que
d’essayer de rivaliser avec les moyens de communication dans leur registre, non
seulement parce qu’ils seront toujours plus puissants que nous sur leur terrain
de jeu, mais aussi dans la mesure où la propagande envers n’importe nous fait
abandonner le témoignage personnel devant quelqu’un de concret que le Christ a
ressuscité.
D’autre part, dans l’annonce de l’évangile, on
rencontre deux grandes difficultés qui ne sont que le reflet de la faiblesse
que l’on trouve dans nos communautés. En général, celui qui participe
régulièrement à l’eucharistie peut dire qu’il n’a pas eu la possibilité de
grandir correctement dans la foi. Nous pourrions dire que le développement
normal de la foi est resté atrophié par une déficience de l’initiation
chrétienne, y compris par une conversion initiale insuffisante. Ce n’est pas
rare, pour prendre un exemple, de rencontrer des personnes qui assistent
habituellement à la messe dominicale et qui ne savent pas ce qu’est la
résurrection d’entre les morts. Pas étonnant, du coup, qu’ils soient peu
nombreux ceux qui sentent la nécessité de l’annonce de l’évangile. Ce à quoi il
faut ajouter que à ces personnes, on n’a en général pas appris comment annoncer
l’évangile, que dire, comment, en quelle circonstance, etc.
Il faut encore souligner que cette annonce
doit être accompagnée de signes qui ratifient les paroles et, en même temps,
rendent visible ce qui est annoncé. Le signe que Jésus nous a laissé à la
dernière Cène est l’amour mutuel entre les disciples, et leur unité pour que le
monde croie que Jésus est l’envoyé du Père, que Dieu nous a aimés (Cf. Jn
13,34-35 ; 17,21.23). Pour le dire autrement, le manque quasi extrême de
communautés vivantes de croyants est un obstacle important dans l’annonce de
l’évangile.
Mais le problème ne réside pas seulement dans
le fait de savoir comment se fait l’annonce, mais aussi dans ce qui advient
lorsqu’elle a donné du fruit, c’est-à-dire, quand quelqu’un se convertit à
l’évangile. Quand la conversion a lieu, que faire ? Est-ce qu’il y a dans
la paroisse un parcours d’initiation chrétienne pour ceux qui se convertissent
et qui, à leur tour, rejoignent la communauté où ils vivront la foi avec les
autres croyants, une fois l’initiation achevée ?
3 Café pour tout le monde, ou à chacun ce qui
lui revient ?
Une des situations où se voit avec le plus de
clarté que l’axe autour duquel s’organise l’évangélisation doit être la foi,
non seulement la fidélité à l’enseignement de l’Eglise mais la foi de chacun,
est la catéchèse. Regardons ce qui se passe pour la catéchèse de première
communion puisqu’elle est l’activité paroissiale qui a la plus grande audience.
Au début de l’année scolaire, un grand nombre
d’enfants se rendent dans les paroisses pour s’inscrire à ladite catéchèse. En
règle générale, tous savent qu’ils doivent avoir un âge minimum pour commencer
et s’engager quelques années – on a fini par en imposer trois – avant
de pouvoir faire leur première communion. On répartit les enfants en petits
groupes auquel une catéchiste est assignée. Quel est le critère pour diviser
les enfants en groupe ? En général, aucun de ceux qui ont à voir avec la
foi de chacun.
Les enfants qui arrivent à la première
communion ont des situations de foi personnelle et familiale très variées.
Certains ne sont pas baptisés ; d’autres, qui le sont, ne sont pas
parvenus à une vie à proprement parler chrétienne ; certains ont des
parents qui ont veillé à ce qu’ils aient une vie chrétienne et d’autres se sont
soucié de leur donner une formation catéchétique à la maison. Evidemment,
indépendamment de ce qui a été vu et reçu à la maison, il y a aussi la
l’intérêt personnel ; il peut y avoir des enfants non baptisés avec une
profonde inquiétude religieuse et des enfants de familles très croyantes qui
demeurent parfaitement froids et vivent tout cela de façon passive.
Quelle que soit la situation croyante de
chaque enfant, en général, tous reçoivent la même chose pendant les mêmes
années, motivés souvent inconsciemment pas un égalitarisme qui mime obscurément
la pensée des socialistes de tout bord, et jouit d’une grande reconnaissance
par la société. La seule chose distincte que recevra normalement un enfant qui
n’est pas baptisé, sera le baptême, avec un oubli quasi unanime de ce que
demande le rituel des enfants en âge de scolarité à la différence de celui de
l’initiation des adultes, y compris en célébrant ces baptêmes avec le rituel
des enfants en dessous de l’âge de raison. Ce qui est prévu dans les diocèses
pour ces cas est fort peu, très peu, et le respect que les prêtres y portent
encore plus rare.
Comme les groupes de catéchèse de première
communion sont constitués sans discernement et que la plupart des enfants n’a
pas eu de culture chrétienne, ce sont ces derniers qui imposent le rythme et le
ton. Cela mène à des conséquences pernicieuses. Les enfants qui, baptisés ou
non, auraient besoin d’une première annonce de l’évangile sont généralement
traités comme s’ils n’en avaient pas besoin, et, au lieu de leur donner ce qui
serait le meilleur pour eux, on leur refile une soupe catéchétique et non une
première annonce de l’évangile. Une autre de ces conséquences est que ceux qui
ont un réel désir sont freinés constamment dans leur souci de grandir dans la
foi. Ceux qui ont une formation familiale se retrouvent confrontés à ce qu’ils savent
déjà sans qu’au cours des années ils progressent et apprennent en proportion du
temps investi. Ceux qui ont eu une vie de famille religieuse se retrouvent dans
une ambiance où la ferveur religieuse brille par son absence, non parce que les
catéchistes ne souhaiteraient pas autre chose, mais parce que la majorité
impose son rythme à la minorité. Le résultat est l’insatisfaction quasi
générale.
Je crois que le changement qui devrait être
introduit est le discernement, dès le début de la catéchèse, de la situation de
chaque enfant, en étant attentif à ce que les groupes soient constitués en
tenant compte des différentes situations, de sorte que ceux qui ont besoin
d’une première annonce de la foi la reçoivent et que ceux qui ont besoin de
plus ne voient pas leurs attentes déçues et que leur foi puisse croître
adéquatement.
A propos de la catéchèse aussi, il y a
beaucoup à se dire. Quand se termine la catéchèse ? Quand est-on en mesure
de recevoir la communion pour la première fois ou lorsque les années prévues
sont écoulées ? Si un enfant, après six mois, par exemple, est prêt
– du point de vue de son intérêt, de sa formation préalable, de l’ambiance
familiale… ‑ pour recevoir la communion, et par conséquent pour être
incorporé à la vie adulte de la foi, pourquoi faudrait-il qu’il supporte des
rencontres qui souvent non seulement ne lui apportent pas grand-chose, mais
peuvent aussi le décevoir ? Et ceux qui, après le temps prévu
réglementairement, ne sont pas un minimum dans le coup, pourquoi devrait-il obligatoirement
recevoir la communion ?
Je sais que cela présente de vraies difficultés
de mise en œuvre, mais le problème n’est pas que cela occasionne du travail pour
le mener à bien. Nous nous contentons de suivre l’habitude qui nous vient d’un
passé très différent du monde présent. Peut-être voilà une des questions que
doit entendre l’Eglise d’Espagne, bien que, pas seulement ici, il en coûte de
dire non aux habitudes sociales.
Ce que nous avons dit de la première
communion, nous pourrions le dire d’autres activités paroissiales.
4 Profane ou sacré ?
Beaucoup de paroisses en Espagne, de même que
dans le reste de l’Europe, possèdent un important patrimoine culturel, depuis
les bâtiments jusqu’aux vases sacrés, en passant par les statues, ornements,
livres, etc. Et un des dangers que nous rencontrons – la société exerce sur
nous une forte pression en ce sens – c’est que nous devenions des gérants
de musée ; à ce sujet, la quantité de temps investie par les prêtres en
activités plus propres à un fonctionnaire des Beaux arts qu’à un pasteur est
surprenante. Souvent, on voit des expositions artistiques dans nos églises, y
compris les cathédrales, des concerts de musique, etc.
Avec les meilleures intentions, je crois que
ce type d’activités contribue davantage à la désacralisation des espaces sacrés
que à ce que l’on prétend rechercher. Avec ce type d’activités, sans qu’on le
veuille, nous confirmons l’impression d’un grand nombre de personnes que la foi
est quelque chose qui relève du passé, une affaire de musée, et que l’église,
plus qu’un lieu de culte est une salle d’exposition ou un auditorium, voire un
espace public commun.
Je crois que la tendance devrait être
contraire. Les conversions proviennent davantage du sacré que du muséal et du
culturel. Le sens du sacré doit être cultivé dans le silence des édifices
religieux, par le soin de leur aménagement intérieur, par leur odeur, de même
que nous nous occupons de notre intérieur ou de la manière de nous habiller.
Mais là où le sentiment du sacré doit être le plus accentué, c’est dans nos
célébrations. Il est clair qu’elles doivent être joyeuses, qu’elles doivent
exprimer la foi pour notre époque de fort sentiment communautaire, mais jamais
nous ne devons perdre de vue que la liturgie est culte divin.
Les choses saintes sont pour les saints. Bien
sûr, nous ne pouvons pas tomber dans le pharisaïsme, mais nous ne pouvons pas
manquer de sérieux dans la célébration des sacrements. Sûrement, cela est-il
particulièrement préoccupant pour les funérailles, souvent transformées en
simple hommage au défunt. Que dire de nombre de baptêmes et de mariages ?
C’est certainement une question compliquée, mais nous devons faire quelques pas
décidés dans cette direction.
5. Religion complémentaire, ONG ou église
catholique ?
Durant la chrétienté, qui en Espagne s’est
prolongée plus longtemps et avec plus d’intensité qu’en France, être citoyen
d’une nation considérée comme catholique était quasi synonyme d’être
catholique. Que même les nations aient été considérées comme catholiques, pour
beaucoup et en beaucoup de sens, était plus important que l’acte de foi. Il
suffisait d’être natif d’un lieu pour être considéré et se considérer d’une
religion déterminée, et être catholique relevait de la coutume en plus d’un cas.
Il est même surprenant aujourd’hui, en un contexte socio-historique très
différent, d’écouter la prière du jour de la saint Jacques, patron de
l’Espagne. « Dieu éternel et tout puissant qui a consacré le travail des
apôtres par le sang de saint Jacques, fais que, par son martyre ton Eglise soit
fortifiée et que par son patronage l’Espagne se garde fidèle au Christ jusqu’à la
fin des temps. » Est-ce que l’Espagne est encore catholique ? Et si
elle l’était, ne vaudrait-il pas mieux mettre l’accent sur les personnes que sur
les territoires, cultures, civilisation, etc. ? Certainement les cultures
et les peuples doivent être évangélisés ; mais ils le sont dans la mesure
où le sont les personnes qui les produisent et constituent.
Cette manière de penser est très prégnante et
tous, croyants ou non, inconsciemment, agissent en conformité avec elle. Cela
présente deux risques importants pour l’Eglise en Espagne ; l’un serait de
se réduite à être la religion de secours de notre pays, l’autre d’accepter
d’être une ONG. L’une des questions en jeu derrière cela est celle de la définition
du rôle de l’Eglise dans notre société.
Les hommes, tant les mâles que les femmes,
sont par nature religieux, même s’ils ne croient pas en la divinité de Jésus ou
ne sont pas catholiques. A certains moments de la vie, dans des situations
déterminées de l’existence, ils ont besoin de religion, de rites, de
cérémonies, etc. Par habitude, s’ils ne sont pas croyants d’une autre religion,
ils fréquentent l’Eglise, y compris parfois sans avoir été baptisés. Il y a
sans aucun doute une demande et une pression sociale. Les croyants, en
particulier les pasteurs, nous ne pouvons pas nous contenter de cela, remplir
un rôle de complément, leur donner simplement de la religion à défaut d’un
autre choix explicite. Cela veut dire, dans le cas de quelqu’un qui n’a pas
d’autre religion, que l’Eglise se chargerait de satisfaire la dimension
religieuse de tout homme. Et de fait, c’est ainsi que cela se passe en de
nombreuses occasions. Agir de la sorte évite aux curés bien des conflits. Les
évêques ne veulent pas être embêtés par des journaux qui accuseraient l’Eglise
de rejeter quelqu’un et d’aller à l’encontre des aspirations de certains
groupes. La société trouve l’Eglise acceptable car elle voit qu’elle rend
service en offrant aux citoyens du religieux quel qu’il soit.
Cependant, il en est qui ne sont pas à l’aise
avec cela, et s’il faut leur laisser une place dans l’Eglise, ce sera pour un
autre type de service qui ne sera pas religieux. L’Eglise, par conséquent, est
contrainte à être utile socialement. Cette pression l’oblige à devenir une ONG
qui vient en aide par ses activités dans le domaine social ou culturel, ou,
comme depuis longtemps, scolaire. Peut-être, cela a été un risque, certes plus
dans le passé que dans le présent, y en bonne partie, l’église n’a fait que refléter
le visage de la société elle-même.
Mais, de même que la société fat pression et
tente de faire en sorte que l’Eglise accepte un rôle déterminé, de même
l’Eglise doit aller son chemin, apprenant à vivre au milieu de notre monde,
avec son profil parfaitement défini depuis son Seigneur, pour être signifiante
dans le monde. Elle doit aller en abandonnant les privilèges et les habitudes
du passé, en sachant être dénudée devant les puissants de ce monde. Beaucoup
s’est fait, mais il y a encore beaucoup à faire.
6. Stratification / individualisme ou peuple
de Dieu ?
Comme on l’a vu jusqu’à maintenant, je pense
qu’est claire l’importance que je donne à ce qu’il y ait des communautés de
croyants vivantes et visibles. Des communautés au profil clairement définie par
la vitalité adulte de sa foi et la faiblesse propre aux disciples pécheurs, qui
annoncent l’évangile et qui offrent un chemin de maturation pour que puisse y
prendre place celui qui s’est convertie à la vie de foi. La fragilité actuelle
de nos communautés ne vient pas de ce qu’il n’y aurait pas de chrétiens pour
vivre ainsi leur foi, mais principalement de ce que nous n’offrons pas
d’espaces et de chemin pour qu’il puisse en aller ainsi.
En plus de ce qui a dit jusqu’à présent, deux
questions qui vont en sens contraires. La première est la stratification.
Qu’est-ce que je veux dire par là ? L’organisation de nos paroisses est
définie de trop par des aspects qui ne sont pas fondamentaux ; je ne dis
pas qu’il ne faudrait pas en tenir compte, mais qu’en n’étant pas subordonné à
la simple vie de foi, ils fragmentent ce qui devrait être une communauté. Nous
avons par exemple les différentes tranches d’âge, groupes de jeunes, groupes
d’adultes, groupes de personnes âgées. Mais aussi une spécification des
activités ou des dévotions ; groupes Secours catholique, groupes de
prière, équipes du rosaire, groupe de bible, etc. Beaucoup de groupes de peu,
très peu de vie communautaire de la foi. Pour la nouvelle évangélisation,
disons-le une fois de plus, l’action de la communauté doit être articulée
conformément aux trois étapes mentionnées ; ce qui devrait nous mener a ce
que les ministères de la parole, de la liturgie et de la charité soient modelés
conformément à ces trois étapes, puisque dans le moment pastoral, elles
manifesteront leur harmonie dans la vie communautaire.
L’autre question est celle de
l’individualisme. Les paroisses deviennent facilement, pardon pour
l’expression, en bureau de tabac du service religieux pour la consommation
personnelle de chacun. Posons-nous seulement quelques questions. Qui se
retrouve le dimanche à la messe ? Quelle relation ont-ils ? Quand
nous nous voyons occasionnellement dans la rue, nous comportons-nous comme des
voisins, des connaissances, des amis ou comme des frères dans la foi ? Lorsque
j’ai un problème quelconque, à qui je me fie ? Aux personnes avec
lesquelles je me retrouve pour la célébration de l’eucharistie ? Nous
aimons-nous les uns les autres comme le Seigneur nous a aimés ?
Je voudrais terminer avec une citation de
sainte Thérèse qui exprime ce qui est pour moi le plus urgent. Dans le contexte
de la crise protestante, la grande sainte, avec la bravoure épique des
castillans, s’adresse dans ce paragraphe aux communautés de carmélites qu’elle
a fondées. Nous pourrions lire ces lignes en pensant à notre situation et en
les appliquant à nos communautés de croyants.
Je vois de très grands maux, et les forces humaines sont impuissantes à éteindre cet incendie allumé par les hérétiques […] Il m’a donc semblé nécessaire de nous conformer à ce qui se pratique en temps de guerre. Lorsque l’ennemi a ravagé entièrement le pays, le seigneur de la région qui se voit pressé de toutes parts, se retire dans une ville qu’il fait fortifier avec soin. De là, il fond de temps en temps sur l’ennemi. Ceux qu’il mène au combat étant tous des soldats d’élite, le secondent mieux que des soldats plus nombreux mais lâches. De cette sorte, on gagne souvent la victoire ; si on ne la gagne pas, du moins n’est-on pas vaincu. Et, pourvu qu’il ne se rencontre pas de traître, on ne succombera que devant la famine. Ici, il n’y a pas à redouter la famine qui nous oblige à nous rendre. Nous pouvons mourir, oui ; être vaincus, jamais. (Thérèse de Jésus, Le chemin de la perfection III, 1)
5 comentarios:
Merci por la conference
d'aujourd'hui est maintenant il fout le mis en oeuvre
Quand on a forme un group de 6 personne pour formule des questions l´animation a comencé dans la réponse .
Nerea.
He leído el texto en francés, viendo que era la última entrada, sin reparar en el orginal español.
Primera recomendación: Añadir un par de imágenes por ladrillo. En serio.
No he leído el texto español, pero ha habido dos cosas en el francés que me han chocado y las he comprobado en el original.
Propongo los siguiente cambios:
1) "Cette manière de penser est très prégnante" no parece muy buena traducción de "Esta mentalidad está muy presente [ó extendida]".
Creo que es más claro y común
"C'est un état d'esprit très répandu".
2) "Peut-être voilà une des questions que doit entendre l’Eglise d’Espagne, bien que, pas seulement ici, il en coûte de dire non aux habitudes sociales"
no dice lo mismo que
"Tal vez una de las cuestiones que debe aprender la Iglesia en España, aunque no sólo aquí, es a decir no, pese a los costes sociales que esto conlleve"
y resulta incomprensible en el contexto.
Propongo "Peut-être une des choses que doit apprendre l’Eglise en Espagne (bien que pas seulement ici) est de dire non, quel que soit le coût social que cela peut avoir".
Independientemente de la traducción: Muy interesante la conferencia. Tiene gran relación con alguna entrada anterior del blog, que los veteranos recordarán: Una ecuación con tres incógnitas.
---
PS. Mi francés no es gran cosa, pero Google es mi amigo.
Monsieur Rocky , vous êtes très exigeant, merci pour votre aportation intéressant.
Je crois que dans un monde déchristianise l’annonce de l’evangile est posible
“Ma mère,mes frères,ce sont ceux qui écoute ma parole et la mettent en pratique” (Luc 8.21)
Nerea.
Hélas, je suis trop exigeant!
Dans un souci de précision, ce que Jésus a réellement dit:
"Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique" (Lc 8,21).
Merci beaucoup, Mlle Nerea.
Voilà le chant à propos de la conference .
Pueple de lumière,baptisé pour témoigner
Peuple d’Évangeli,appelé pour annoncer
Les merveilles de Dieu pour tous les vivants.
Soyons toujours joyeux et prions sans cesse,
En toutes choses rendons grace á Dieu!
C’est sa volonté sur nous dans le Christ.
Gloire á toi o Seigneur notre Dieu
Monsieur Rocky
Ça sera génial savoir votre témoignage sur l’ évangélisation
Merci d’avance et enchantée
Nerea.
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